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Les mercredis de l’arbitrage – Rencontre avec Bruno Bordignon, accompagnateur des jeunes arbitres

Présent sur le bord de la pelouse ce week-end lors du match entre Canal Nord et les Pradettes (U15), Bruno Bordignon n’était pas là pour arbitrer. Certains week-ends, il officie en tant qu’accompagnateur de jeunes arbitres. Lorsqu’il n’a pas le sifflet dans ses mains, il guide et rassure les médiateurs du jeu. Pour notre nouveau numéro du jour, il répond à nos questions.

 

Quel est votre parcours dans l’arbitrage ?

Avant d’arbitrer, j’étais joueur jusqu’à mes 36 ans. J’ai décidé de passer à l’arbitrage parce qu’après avoir été capitaine pendant quelques années, je ne comprenais pas certaines décisions ou leur manière de manager. Je me suis lancé dans la fonction et j’ai arbitré dans les différents niveaux de district. J’étais un petit peu juste pour la Ligue, mais j’y ai arbitré pendant près de deux ans. Avec le covid j’ai décidé de ne pratiquer cette fonction que pour le plaisir. Je me complais à être arbitre et j’apprécie ce rôle de médiateur. Je veux mettre en avant le terme de médiateur, surtout avec ce qu’il se passe aujourd’hui.

En quoi consiste votre rôle d’accompagnateur ?

Mon rôle, c’est d’apporter au jeune arbitre mon aide à tout moment, de son arrivée au stade jusqu’à la fin de la rencontre. Je lui fournis les réponses aux questions qu’il peut se poser, je l’éclaire sur ce qu’il peut avoir oublié. À la fin, il faut effectuer des retours positifs, puisque c’est le but sinon il arrête rapidement. Il faut aussi l’aider à améliorer certains aspects dans son arbitrage pour qu’il puisse évoluer et pratiquer son rôle le mieux possible, notamment lorsque l’accompagnateur n’est plus là.

Comment se déroulent vos matchs ?

D’abord, je me présente au stade et je vais à la rencontre de l’arbitre, une heure avant le début de la rencontre. Je l’accompagne durant tout l’avant-match. Il faut que je puisse lui faire remonter certains aspects de l’arbitrage rapidement. Sachant que ça ne s’apprend pas comme ça. Il faut lui expliquer certaines procédures, et lui montrer comment utiliser la tablette. Il faut être indulgent pour le mettre à l’aise. Ensuite, quand le match commence, je suis sur le bord du terrain, c’est lui qui a le sifflet et qui dirige. S’il se passe quoi que ce soit, il peut venir me voir il n’y a aucune honte à ça. Parfois, j’interviens auprès des éducateurs ou des parents qui peuvent s’interroger sur ses choix ou qui manquent d’indulgence. Il faut leur apporter une certaine sensibilité au fait que l’arbitre débute et qu’il a besoin d’être rassuré pour ne pas être dégoûté. Je n’interviens auprès de lui qu’à la mi-temps. J’effectue un premier débriefing et je mets en avant d’abord le positif puis les points primordiaux à améliorer. J’ai un tableau pour tout lui montrer et qu’il puisse mieux visualiser. Je recueille également ses premières sensations. À la fin du match, j’échange plus longuement et je réponds aux diverses questions qu’il peut encore se poser en lui faisant un dernier débriefing. Je lui explique bien que je ne suis pas là pour le noter, le but, c’est qu’il puisse se sentir plus à l’aise lors des prochains matchs.

Est-ce que l’aspect psychologique est très important ? Vous travaillez beaucoup là-dessus ?

Oui, néanmoins, ce n’est pas évident sur un seul match de pouvoir totalement analyser le jeune arbitre. J’essaye de vite voir si le garçon est plutôt timide ou s’il est à l’écoute par exemple. Il y a une dizaine d’adjectifs que j’essaye de retrouver assez rapidement chez lui. J’insiste sur le fait que même s’il a à faire à des adultes, il doit faire comprendre que c’est lui le décideur. Il faut éviter la faille qui va montrer aux éducateurs et aux joueurs qu’ils peuvent l’influencer. Être arbitre, c’est une vocation, ce n’est pas quelque chose qui se développe d’un coup. Donc avoir le bon comportement et l’aspect psychologique sont essentiels.

Jouer au football en club avant d’être arbitre, c’est quelque chose que vous recommanderiez ?

Pour mieux vivre certaines situations et mieux les apprécier, afin d’être ainsi plus indulgent dans l’attitude et dans la façon d’être sur le terrain, avoir été joueur bonifie le comportement que l’on peut avoir en tant qu’arbitre. J’en récolte personnellement les fruits aujourd’hui de mon passage en tant que joueur et j’arrive à prendre du recul. J’ai plus de hauteur sur certaines situations et décisions que je prends dans une rencontre. Quand on observe bien, on arrive à différencier rapidement ceux qui ont été joueurs et ceux qui ne l’ont pas été. Je trouve que ça saute aux yeux près de neuf fois sur dix. Le management, les prises de décision, le choix des mots et le comportement sont essentiels pour montrer à tout le monde que l’on n’est pas au-dessus d’eux. L’humilité est d’ailleurs à mon sens la première des réussites, même dans l’arbitrage.

Quel est votre constat sur l’arbitrage en France ?

C’est une fonction qui est particulière, à partir du moment où l’on vient tant qu’arbitre dans le stade, les supporters et les joueurs ont les yeux rivés sur nous. On sait ce que 90% des gens pensent en général des arbitres. Notre travail est très dur puisqu’il faut valoriser et montrer de manière positive notre fonction. Nous ne sommes pas là pour faire la police ou pénaliser qui que ce soit. On doit juste faire respecter les règles à travers un jeu et un ballon. Ça ne nous donne pas plus de droits seulement parce que l’on a un sifflet. Ensuite, j’axe mon constat sur deux points : la Covid 19 et l’insécurité. On sent aujourd’hui une certaine frustration plus forte depuis le début de la pandémie. De par les restrictions que ça a causé avec une grosse trêve, résultant par une perte de rythme. La reprise, selon les âges et la situation familiale, est différente et impacte le physique. Ça demande un certain entretien. Qui plus est, l’ambiance est montée d’un cran et les réseaux sociaux ont accentué ce problème. L’insécurité dans certains stades se ressent et c’est problématique.

Comment jugez-vous un bon arbitre ?

Chez un jeune arbitre, j’essaye de déceler rapidement sa façon d’être avant le match. On se comporte sur le terrain de la même manière que l’on est en dehors. Généralement, c’est rare de voir un arbitre timide s’imposer dans un match. On ne s’invente pas une nouvelle personnalité. Je l’observe d’un point de vue psychologique, mais aussi sur ses prises d’initiatives et de responsabilités. Ne serait-ce que lorsqu’il rentre dans un vestiaire des équipes, qu’il soit capable de s’imposer et de faire l’appel. Si je vois qu’il est timide, il aura sûrement du mal à calmer un éducateur durant la rencontre. Le charisme qu’il dégage est également essentiel. Sans oublier ses prises de décision et sa mobilité. Le management est également très important. Sans tout ça je ne pense pas qu’un arbitre puisse tenir longtemps, ou du moins il aura des difficultés. Après, chez un jeune, je ne crois pas que je puisse retrouver toutes ses qualités pour ses premiers matchs. Mais dans une finalité vers laquelle il tend, il faut qu’il essaye d’être le plus proche de ses qualités. 

Chronique signée par:
– Julien Schmitt et Daniel Feuillade : Conseiller Technique Régional de l’Arbitrage
– Karim Toureche et Sébastien ROYUELA : responsables du pôle relation avec les clubs et relations entre la commission Régionale de l’arbitrage CRA et les CDA (commission départementale de l’arbitrage)
– Frederic Hostains le président de la CRA
– Footpy Rédaction

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